La question de savoir ce qui nous différencie des "animaux" a évolué au fil du temps : pendant des siècles, nos religions monothéistes ont consacré l’Homme comme le centre de toute chose : les autres animaux auraient été crées pour le servir ; il règne sur eux car Dieu l’a voulu ainsi. Cette idée s’est sécularisée au fil du temps. C’est probablement cette conception d’une humanité au-dessus de tout (qu’on ne retrouve pas dans d’autres religions et croyances) qui est à l’origine de l’ignorance volontaire de la condition animale : cela rejoint le mécanisme présent dans l’asservissement des hommes (en plus de tout le règne animal, végétal, minéral) par d’autres : la négation de la nature de celui qui est asservi par celui qui oppresse et qui peut ainsi dormir tranquille persuadé qu’il ne fait rien de répréhensible sur le plan moral.
Or, l’éthologie démontre au fur et à mesure que des caractéristiques que l’on a longtemps considéré comme strictement humaines ne le sont pas : Par exemple :
- le fait de commémorer les morts : les éléphants le font aussi (il a été observé de longs détours de ceux-ci lors des migrations pour aller se "recueillir" en groupe dans des lieux ont leurs congénères ont disparu), les hippos et plus récemment les corbeaux aussi (ainsi probablement que d’autres animaux). Jeune j’ai appris que c’était une spécificité humaine ... que précisément cela nous distinguait irrémédiablement du règne animal ...
- Le symbolisme : c’est le propre de la pensée humaine que de manier des symboles, et donc pouvoir raisonner sur des choses qui n’existent pas nécessairement physiquement. L’étude de l’élaboration de cet aspect essentiel de l’Homme est particulièrement intéressant à étudier chez les psychologues du développement (comme Wallon).
Or là encore, il semble que les corbeaux (tout comme les primates, les cétacés, ...) soient doués de cette capacité aussi (dans une moindre mesure probablement mais cela rapproche notre espèce des autres ... ou plutôt les rend ... humaines à nos yeux)
- Les comportements : la nature que l’on dit volontiers cruelle et dont la seule raison d’être serait la sélection naturelle en vue de la reproduction des plus à même de survivre et perpétuer l’espèce, révèle que la réalité n’est pas aussi simple : quantités de comportements observés (des solidarités parfois totalement inattendues entre prédateurs et proies par exemple) le démontrent.
Il est impossible désormais de continuer à nier la sensibilité de ces êtres., leur capacité à aller à l’encontre de leurs instincts. Leur sensibilité, l’expression de leurs affects (la souffrance, la peine, la joie, la dépression et même l’humour) démontre que tout un tas de sentiments que l’on a longtemps considérés comme spécifiquement humains ne le sont en rien.
J’ajoute que la raison a validé le supersticieux pendant un temps : par exemple le courant de pensée behavioriste a largement contribué à maintenir cette idée de l’Homme au-dessus de tout, faisant de l’animal un être réduit à des réflexes conditionnés (le chien de Pavlov) ou non, et des comportements stéréotypés issus d’instincts.
Etc.
De nos jours, l’homme carnivore continue très largement de se croire supérieur par essence (non plus uniquement divine). Doué de raison, à l’inverse soit-disant du règne animal, et de morale (tout en écartant d’un revers de la main une bonne partie de l’humanité qui n’en a aucune, ni même à l’égard de leurs propres congénères (autant dire que le respect des représentants du règne animal est en-dessous de tout)), l’Homme dés lors trouve une justification satisfaisante à l’exploitation ignoble des animaux : pourquoi s’emmerder à respecter des bovins ou des porcs en leur permettant a minima d’avoir des conditions de vie conformes avec leur nature, puisque celle-ci n’existe pas ? Autant directement exploiter leur vie au moindre coût (quitte à les entasser de leur naissance à leur mort - rendue encore plus abjecte avec certains pratiques religieuses).
N’étant pas compétent pour discuter de celle de ce Monsieur (j’écoute juste et son point de vue m’intéresse mais comme dit par d’autres, il n’y a aucune raison de douter qu’il soit bon pour lui), je peux néanmoins évoquer les fausses questions dont tout végétarien (et toute personne adoptant un comportement différent, ce qui même sans prosélytisme, finit par se remarquer et susciter des interrogations, hélas souvent biaisées) est l’objet (je dis "fausses" car c’est rarement des questions à proprement parler) et d’un certain nombre de moqueries pour ne pas dire d’hostilités (en général venant de personnes qui démontrent qu’ils ne se posent aucune question : leur comportement est simplement celui qu’on leur a fait adopter jeune : il est "naturel". Tout repose chez eux sur le seul "plaisir", le fameux "oh bah moi, je pourrai jamais me passer d’un steak. C’est trop bon !" ... le seul plaisir justifie l’adhésion hypocrite à un système de production de la bidoche qui n’a aucun sens.
Peu importe les conditions dans lesquelles celle-ci est produite, peu importe même que ce soit un non-sens sur le plan de la santé, peu importe les effets catastrophiques de cette industrie ... car de toute façon pour eux leur comportement est "normal", par défaut et englué dans "le principe de plaisir" égocentrique. En revanche celui différent est moqué, agressé de manière plus ou moins consciente (on en a un bel exemple ici, avec l’évocation de la sexualité de ce monsieur) démontrant que notre seule existence est une remise en question odieuse de la manière dont ils régissent la leur (en fait ils n’ont aucune prise dessus ... et leur hostilité témoigne d’un besoin de renforcement de leur propres comportements - ceux-ci étant majoritaires, c’est donc que c’est eux qui ont raison ... inutile d’argumenter avec ces illuminés de végétariens, végétaliens, etc ... avec l’impératif pour eux de ne surtout pas mener une réflexion personnelle qui, en toute logique, les conduirait à remettre en cause radicalement leurs habitudes)).
Le plus illogique est le recours paradoxalement à la Nature pour expliquer leur propre comportement : "le plus fort bouffe le plus faible ... c’est comme ça, c’est la Nature, c’est normal". Soit, mais ce raisonnement dément alors la conception d’un Homme au-dessus de la nature en nous ramenant à de simples prédateurs (dont la seule raison est la survie et dont la morale est réduite à néant) qui bouffent en toute logique les plus petits que nous.
Il y a pourtant des questions simples qu’ils sont bien souvent incapables de formuler : Qu’est qu’il y a de naturel à élever des animaux en batterie dans des conditions ignobles (même le patron de l’INRA dans les années 80 évoquait la "situation concentrationnaire" de ces élevages) et de consommer une viande bourrée d’antibio, de vitamines et autres farines animales (autant de saloperies qui nient précisément la nature même de ces êtres) et stressés toute leur existence avec le point d’orgue qu’est leur mise à mort et toutes les conséquences que cela implique ? "Ouais mais bon, ce ne sont que des animaux ... faut pas déconner quand même" accompagné souvent des caricatures du type "et ta salade, elle ne souffre pas ?".
La réalité est que parvenir à remettre en cause notre mode de vie est tellement violent (le simple fait d’y réfléchir l’est déjà en soit) que le mécanisme de défense face à des gens qui, eux, ont mené une réflexion sur ce sujet essentiel, se met en place inconsciemment et explique l’absence de remise en question : "mon comportement est naturel, c’est celui de l’autre qui ne l’est pas, ce "bobo", cet "écolo", cet élitiste ... et j’en passe". Notre simple existence remettrait en cause les fondements de la leur. Dés lors l’ennemi n’est plus l’industrie agro-alimentaire, la grande distri, big pharma, etc. (qu’il leur arrive de critiquer aussi ... avant de replonger leur nez dans leur assiette qui est l’exact produit de cette même industrie qu’ils fustigent ... cohérence quand tu nous tient) mais cet abruti d’écolo à qui l’on attribue des idées qui n’existent que dans leur imagination.
C’est assez désolant d’observer ce conservatisme mais ne croyant pas au prosélytisme (seule la coercition fonctionne avec les masses), je crains qu’il n’y ait que des crises majeures sanitaires et écologiques (et encore ...) pour que cette conception du monde retrouve un semblant de logique et de morale (précisément tout ce dont nous nous prétendons êtres les uniques détenteurs, par opposition à ces bêtes bêtes).