Ce qui est fou dans cette video c’est de voir un esprit brillant - ou du moins vu comme tel - montrer à quel point il est ignorant de ce qu’est le web. Je ne reproche jamais à quelqu’un de ne pas savoir. En revanche, ne pas VOULOIR savoir est une faute, surtout quand on fait profession de la connaissance.
Ce qui visiblement pose problème à Finkielkraut, c’est que le web élimine en partie le filtre journalistique entre le lecteur / auditeur / telespectateur / internaute et l’info brute. Pour Finkielkraut, une info n’est bonne que si elle a été contrôlée.
Or, les multiples dérapages, accointances, auto-censures de la profession journalistique ont rendu cet axiome obsolète. Comment continuer à avoir une foi absolue dans le système journalistique alors que nous savons tous désormais que l’existence de Mazarine était connue du "tout Paris", que le système Chirac à la mairie de Paris avait fait le tour des rédactions sans que personne n’ose poser les questions qui fâchent et que les journalistes se contentent d’un "pschitt" ... que le programme 2007 de Sarkosy avait des failles grosses comme le grand Canyon sur l’économie mais que l’info n’a commencé à sortir qu’après les élections ?
Je ne crois pas à la théorie du complot. Je ne crois pas que des personnes se regroupent dans d’obscures salles, dans un restau ou au coeur des buildings de la finance pour mettre en place une telle politique ou un tel système. On est là, pour moi, dans un monde de fantasmes digne des bisounours version parano.
En revanche, je pense que le système médiatique tel qu’il fonctionne pousse cette profession à agir ainsi. La pression du scoop, les études marketing permanentes sur "ce que veulent les français", "ce qui les intéresse", "ce qui ne les passionne pas", tout cela mène in fine à à la fois réduire le champ d’investigation, à ne pas oser poser les questions qui fâchent de peur de froisser une caste politique qui pourrait se venger, à ne pas pousser la vérification des infos de peur de se faire griller par le voisin.
Les journalistes ne sont pas à l’aise dans ce monde là. Mais ils ne le remettent pas en question. Ils n’ont pas fait ce travail de prise de recul, de diagnostic et de proposition de solutions nouvelles.
A part sur le web où on voit émerger de nouvelles formes de médias. Rue 89, Agoravox, mediapart pour ne citer qu’eux, essaient de créer une nouvelle forme de journalisme qui puisse s’affranchir des lacunes du système traditionnel.
Bien sur, cela va poser de nouveaux problèmes. Je ne nie pas les risques qu’engendre l’info brute, les possibilités d’erreurs, de manip’, les fakes ou la propagande qui se cache derrière une présentation bien ficelée. Mais le web recèle aussi cette capacité d’analyse collective pour démolir en partie les rumeurs et les mensonges. Et je préfère un système imparfait qui bouge à un système imparfait - lui aussi - qui ne se remet jamais en question.
Tous les nouveaux médias d’infos ne réussiront pas, sans doute. Mais, au delà des divergences de point de vue que je peux avoir avec tel ou tel site, je respecte beaucoup plus ces gens qui avancent et prennent des risques plutôt qu’un Finkielkraut qui s’érige toujours plus en défenseur d’un ordre ancien, d’un monde qui lentement fait naufrage sous ses yeux de plus en plus terrifiés.
Allez F. , un peu de courage que diable. Bougez vous. Ça fait mal au début quand on s’est encrouté dans de vieilles habitudes, mais c’est très sain. C’est comme le sport vous savez. Ce sont toujours les débuts qui font les plus pénibles. Mais on se sent tellement mieux une fois qu’on s’y est remis !
Manuel Atréide