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Commentaire de J.GRAU

sur Qu'est-ce que le matérialisme historique ?


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J.GRAU 26 juillet 2011 07:09

J’ai provisoirement arrêté la vidéo. Non qu’elle ne m’intéresse pas - au contraire - mais il y a là-dedans un certain nombre d’approximations qui m’agacent.

Le conférencier (peut-être par fidélité à Marx ?) fait une équivalence entre matérialisme et monisme, et entre idéalisme et dualisme. Or, cela ne va pas de soi du tout. Platon, qui est en effet idéaliste, n’a jamais vraiment dit qu’il y avait un monde des Idées derrière le monde matériel. Ca, c’est une lecture qui a été faite après coup. 

Plus probant encore est le cas de Hegel (dont Marx s’est d’ailleurs inspiré). Hegel, manifestement, est un auteur idéaliste. Mais il n’admet absolument pas l’existence d’un monde transcendant. Son Dieu n’a aucune réalité en-dehors de l’esprit humain. Par ailleurs, il n’y a pas chez Hegel de dualité absolue entre la matière et l’esprit, contrairement à ce que pensait Descartes. L’idéalisme de Hegel est donc un monisme.

Quant à Spinoza, il est abusivement rangé parmi les matérialistes sous prétexte qu’il était moniste. En réalité, pour cet auteur, la matière n’est pas plus importante que la pensée, et celle-ci ne se réduit pas à celle-là. Matière et pensée sont deux côtés d’une seule et même réalité (Dieu, ou la Substance, ou encore la Nature). Le matérialisme, au sens strict, consiste plutôt à vouloir réduire la pensée à un phénomène matériel, ce que ne fait jamais Spinoza.

Dernière chose : je pense que la pensée de Marx est très utile pour nous rappeler quelles sont les conditions matérielles de la vie humaine (travail, échanges, inventions techniques, organisation sociale de la production et des échanges, etc.). Il est utile également pour mettre à nu les mécanismes de l’exploitation capitaliste, qui sont trop souvent masqués par les idéologies bourgeoises. Mais on peut se demander s’il n’est pas un peu simpliste de vouloir réduire tout le processus historique à une dynamique matérielle. Le capitalisme, par exemple, ne saurait s’expliquer par de simples besoins matériels. Si la classe bourgeoise cherche à s’enrichir toujours plus, si elle encourage le progrès scientifique et technique, ce n’est pas seulement pour conserver son existence, pour répondre à des besoins matériels déjà existants : c’est plutôt pour accroître indéfiniment sa puissance. Il y a, à la source des révolutions industrielles et de la société moderne, des tendances qui ne sauraient se réduire à des besoins matériels : désir de gloire, de prestige, désir d’avoir un pouvoir infini, etc. On peut d’ailleurs noter que ce genre de désir, sous des formes très diverses, apparaît dans n’importe quelle société humaine.


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