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Commentaire de Éric Guéguen

sur Éloge des valeurs : Hannah Arendt contre Leo strauss


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Éric Guéguen Éric Guéguen 5 décembre 2012 16:27

Bonjour Machiavel, et merci pour votre commentaire.
Désolé, par ailleurs, de n’avoir pas trouvé d’autres vidéos en français sur Strauss, mais c’est un auteur que nos élites se plaisent à conspuer sans avoir lu, et que notre peuple ignore copieusement. Le livre de Carole Widmaier, que j’ai lu il y a quelques mois, est réellement passionnant, même si elle laisse clairement paraître sa préférence pour Arendt.
Le livre fondamental sur Strauss, en français, c’est celui de Corine Pelluchon, Une autre raison, d’autres lumières, paru chez Vrin, qui est prodigieux et lumineux.
En outre, un film allemand sur Arendt doit sortir au mois de mai en France. Je ne l’ai donc pas vu, mais gageons que l’on n’en parlera pas beaucoup.
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1. Ce que, pour ma part, je trouve intéressant dans la démarche de Carole Widmaier, c’est qu’elle permet de voir en quoi Strauss et Arendt peuvent être complémentaires.
Je veux dire par là qu’Arendt congédie la philosophie pour ne s’attacher qu’au politique dans un souci d’être, d’une certaine manière, plus en adéquation avec les attentes de la base (et encore, celle-ci en fait du coup de la "philo de comptoir"...), alors qu’elle s’est elle-même colletée avec la lecture des classiques en philosophie politique. Bref, elle semble prétendre secondaires des choses qui pourtant ont été essentielles dans sa compréhension de la modernité.
Strauss, quant à lui,fait très bien comprendre ce que le passage à la modernité nous à fait perdre, mais une fois que l’on a dit ça, en effet, il faut employer ce savoir à trouver des solutions concrètes, d’où le fait, je pense, que l’auteur lui préfère Arendt, mieux ancrée dans le quotidien.
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2. Sur le totalitarisme : la "liberté", je la comprends comme celle de pensée et d’exprimer le fruit de sa pensée. En revanche, je ne suis qu’à moitié d’accord avec elle lorsqu’elle prétend que le totalitarisme n’a rien à voir avec la religion. Il y a une part de "religiosité" indéniable, il me semble, dans les idéologies civiles, conscientes qu’elles sont, je pense, de remplacer un manque. Et elles en ont profité. Cependant, quand j’entends dire que l’islam(isme) est un "fascisme", ou même un "totalitarisme", je trouve ça grotesque. Non que je le trouve sympathique, mais l’islamisme n’est résolument pas moderne. Le nazisme et le communisme, eux, ont été tout ce qu’il y a de moderne (des individualismes ayant dégénérés en holisme). Louis Dumont est un auteur que je vous conseille à ce sujet.
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3. & 4. Je ne retiens pas la même chose que vous de ce qu’elle dit des valeurs. Elle prétend que nous avons, de ce point de vue, plus de points communs que de points de désaccord, c’est-à-dire que nous pourrions tous nous accorder sur des principes qui sont garants de l’amitié, principes éminemment vertueux, et je suis d’accord avec elle. Bien sûr - et nous en avons déjà parlé - nous ne pouvons pas être amis avec tout le monde, mais ce socle commun existe bel et bien. Après, lorsqu’elle décrit le relativisme, peut-être n’emploie-t-elle pas les meilleurs exemples qui soient, mais c’est Strauss (dont le relativisme, le positivisme et l’historicisme sont les bêtes noires) qu’elle vise là...
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5. & 6. Sur la religion et la nature humaine : c’est surtout Strauss que ça concerne, et Carole Widmaier se focalise au bout d’un moment sur Arendt, en disant que pour elle, la religion est, en quelque sorte, un épiphénomène (je ne suis pas d’accord avec elle... Strauss non plus, cela va sans dire). Il faut dire aussi que le Monsieur du public qui intervient est assez lourd avec ses questions sur l’antisémitisme...
En outre, vous avez raison de souligner la parenté entre catholicisme et socialisme.
Quant à la nature humaine d’après les Anciens, elle était, je suis désolé, tout à faire réaliste : l’homme n’a-t-il pas été nanti d’un cerveau pour s’en servir ? N’est-il qu’un estomac sur pattes ? Ce que l’on pourrait dire, c’est que l’homme Antique est mû par un finalisme naturel, tandis que l’homme Moderne est mû par un utilitarisme (de plus en plus matérialiste).


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