" Il n’a jamais, en effet, existé de législateur qui n’ait
recours à l’entremise de Dieu pour faire accepter des lois nouvelles, et qui,
il faut l’avouer, étaient de nature à n’être point reçues sans ce moyen.
Combien de principes utiles dont un sage législateur connaît toute l’importance, et qui
ne portent pas avec eux des preuves évidentes qui puissent frapper les autres
esprits ! L’homme habile qui veut faire disparaître la difficulté a
recours à Dieu ; ainsi firent Lycurgue, Solon et beaucoup d’autres qui
tous tendaient au même but"(...).
Où règne déjà la religion, on introduit facilement la
discipline et les vertus militaires ; mais là où il n’y aura que des
vertus militaires sans religion, on aura bien de la peine à y introduire cette
dernière. Aussi Romulus, pour établir le Sénat et former d’autres institutions
civiles et militaires, n’eut pas besoin de l’intervention de Dieu. Mais Numa,
persuadé que celui-ci était nécessaire, feignit d’avoir commerce avec une
nymphe qui lui dictait tous les règlements qu’il avait à faire adopter au peuple, et
il n’employa ce moyen que parce qu’ayant à introduire des usages nouveaux et
inconnus dans cette ville, il se défiait de son autorité pour les faire
admettre". DISCOURS SUR LA PREMIÈRE DÉCADE DE TITE-LIVE Ch. XI. De la religion des Romains.