Me revoilà donc...
Je tenterais de vous répondre comme suit :
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1. "Tant pis pour Lordon" car son dessein est de réintroduire dans nos schémas de pensée la force du déterminisme. Ce qui est tout à son honneur. Pourquoi fait-il ça ? Pour contrer le "fatalisme" et le volontarisme des libéraux qui viennent nous dire, en quelque sorte, que les pauvres sont pauvres parce qu’ils ne font pas les bons choix personnels, et les riches le sont parce qu’ils se démerdent mieux que la moyenne. Or, qu’il s’agisse d’un riche ou d’un pauvre, tout ne dépend pas de la simple volonté des individus. Les libéraux ont le tort de se croire totalement "libres". Je loue leur amour de la liberté, mais la vraie liberté consiste à savoir ce qui ressortit à nous dans nos choix, et ce qui est motivé par nos rapports sociaux... ET notre nature propre. Et c’est précisément ça qu’oublie de mentionner Lordon (à dessein ?).
En gros, et pour résumer, il invoque le déterminisme social pour couper l’herbe sous le pied du capitalisme, mais ne dit rien ou pas grand chose du déterminisme naturel (il l’évoque juste en évoquant l’idiosyncrasie). Pourquoi ? Parce que le déterminisme social, on peut lutter contre (et au passage pointer du doigt des méchants), le déterminisme naturel, on ne peut rien contre, que l’on soit libéral ou socialiste, il faut l’assumer et on ne peut en incriminer personne, c’est donc un mauvais allié. 
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2. Marx s’est en effet intéressé à l’Antiquité, vous avez raison. Mais il demeure à mes yeux un individualiste (lire à ce sujet Essai sur l’individualisme, de Louis Dumont). Car s’il invoque bien le commun, le social, la force des unions, c’est uniquement contre les "affreux", pour le bien des humbles... in-di-vi-du-el-le-ment. Ce qui l’intéresse, c’est d’obtenir pour les dominés (ceux qu’il prétend tels du moins) l’égalité EN TANT QU’INDIVIDUS face aux dominants. Le commun est simplement un moyen d’obtenir cette égalité dans les faits. L’individu demeure l’alpha et l’omega de sa vision politique, aussi surprenant que cela puisse paraître.
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3. Finalité et bien commun sont indissociables, bien entendu. Et voilà bien une impasse dans laquelle s’est engouffrée Spinoza : il souhaitait (Lordon le dit très bien) que les êtres s’accordent et finissent par emprunter tous le même chemin... Mais comment demander aux uns et aux autres d’emprunter un tel chemin s’ils ne savent pas ce qu’il y a au bout ???
Nietzsche a toujours dit qu’il voyait en Spinoza un précurseur. Tous deux avaient cette même aversion pour la morale religieuse, chrétienne en particulier, et c’est précisément - je crois - de cette aversion qu’est venue à Spinoza sa défiance de toute idée de finalité. Du coup, c’est Aristote lui-même qui s’en est trouvé incriminé, mais ce dernier n’est pas à l’origine du concept de causalité. On peut au moins citer Platon comme devancier, peut-être même Anaxagore, Parménide ou Pythagore, il faudrait creuser.
Enfin, il faut savoir que les Grecs à ne pas croire en les dieux étaient bien peu nombreux, mais Aristote n’a pas eu besoin d’eux pour parler de l’âme, de la physique ou de l’éthique. À la rigueur - et on en a déjà parlé - peut-être que le point d’achoppement d’un retour aux Anciens pourrait être que de nos jours, nombreux sont ceux qui ne croient plus en l’existence de l’âme, vecteur de transcendance (mais attention, pas nécessairement divine). Les anciens croyaient tous en l’existence de l’âme, même Aristote qui la voit mortelle, même Démocrite ou Épicure qui la voient matérielle. De même que Descartes, Kant et, qui sait... Nietzsche lui-même ? 