Pour une fois je vais être d’accord avec yoananda. C’est une question rhétorique, personne n’est en faveur de l’immigration massive, pas même ceux qu’on qualifie habituellement d’immigrationnistes qui d’ailleurs s’étouffent à moitié quand on les accuse de telles arrière-pensées ("je ne suis pas en faveur de l’angélisme", etc.)
Il me semble d’ailleurs que même au sein de l’extrême-gauche et des milieux de la gauche intersectionelle on se désintéresse de ces problématiques et du sort des migrants par rapport à la grande époque de l’antiracisme. Les obsessions actuelles portent plus sur les problèmes identitaires que sur la dimension humanitaire. Je soupçonne même, sans toutefois pouvoir le prouver, qu’une certaine forme d’égoïsme doctrinaire prévaut désormais dans ces milieux : l’accueil des migrants issus de cultures patriarcales ou traditionnelles est matériellement et culturellement complexe, il est trop difficile de les sensibiliser à certaines problématiques sur le féminisme ou les LGBT, il y a le problème des viols et autres agressions commis par certains migrants et instrumentalisé par l’extrême-droite, etc.... On ne voit plus ces images de comédienne aux yeux révulsées d’indignation s’interposant face à des CRS chargés de déloger d’une Eglise ceux qu’on appelait alors les "sans-papiers" à l’époque où ils étaient censés en recevoir automatiquement. Aujourd’hui on parle plutôt de migrants pour naturaliser le phénomène et donner l’impression que toute volonté politique de s’interposer entre les migrants et le but de leur pérégrination serait non seulement illégitime au regard de la morale mais surtout condamnée en pratique à l’échec (ce qui est manifestement faux, les images de la Grèce et d’ailleurs montrent au contraire qu’un Etat déterminé peut assez facilement contrôler sa frontière et refouler des migrants, contrairement à ce que les libéraux et les européistes affirment de manière totalement péremptoire en France pour justifier le fait de ne rien faire ou le "laissez-faire, laissez-passer").
Grand classique de la pensée néolibérale : naturaliser pour imposer, ou plutôt pour cacher le fait que l’on est en train d’imposer ("main invisible") une solution qui relève de choix politiquement déterminés et non d’une quelconque "loi naturelle" qui régirait l’économie ou la société.
Le cas d’école c’est Pierre Henry de l’association France terre d’asile, ce mec est fascinant, il est capable de tenir des double discours reconnaissant d’un côté aux Etats la capacité d’organiser et le droit de décider de la politique migratoire tout en ayant systématiquement recours à des arguments d’autorité et des impératifs catégoriques rendant l’accueil de tout migrant sur le sol européen obligatoire et non opposable. C’est le règne de l’état de fait : les migrants sont là, cette présence a un caractère indiscutable. Dès lors, la seule question qui peut être posée est celle de l’organisation des flux et de l’accueil. Le même raisonnement est appliqué aux personnes malades avec des formules rhétorique du style "on ne demande pas à la gale son passeport à la frontière". Certes. Ce sont d’ailleurs les mêmes formulations qui ont été ressorties par les "experts" au début de la crise du coronavirus pour justifier le laxisme des autorités : "les virus ne s’arrêtent pas à la frontière". Sauf que si l’Etat français avait d’emblée rétablir des contrôles dans les aéroports et à la frontière italienne, comme l’ont fait les états limitrophes à la Chine, on en serait pas là aujourd’hui.