La "pornographie sociologique" du 11-Septembre
Media Uppercut. A la veille des commémorations du 11-Septembre, un célèbre journaliste américain, Keith Olbermann, a tenu en direct une violente diatribe à l’encontre de John McCain et George Bush, accusant le premier d’exploiter honteusement ce tragique événement à des fins électorales et le second de négligence criminelle pour "avoir permis que ces attaques se produisent". Un double coup d’éclat audacieux de la part d’un présentateur vedette.
Il a redonné ses lettres de noblesse au journalisme américain, selon ses admirateurs. Il a craqué, dénoncent les détracteurs. Keith Olbermann est la figure médiatique de la semaine, outre-Atlantique. Le chroniqueur politique, âgé de 49 ans, a démontré mercredi dernier, dans son émission-phare Countdonwn, sur MSNBC, sa verve, sa fougue et son talent oratoire.
En l’espace de huit minutes, face caméra, Olbermann s’est prêté à un exercice inimaginable pour un téléspectateur français : fustiger avec ardeur l’un des deux candidats à l’élection présidentielle, en l’occurrence John McCain. L’homme est rancunier : il ne digère pas l’incident scandaleux, selon lui, de la diffusion d’une vidéo lors de la convention nationale républicaine, en hommage aux victimes du 11-Septembre. Ces images représentaient la prétendue lutte des Etats-Unis contre le terrorisme islamique depuis la prise d’otages américains en 1979 à Téhéran avant de culminer avec des passages dévoilant les visages des victimes des attentats de 2001.
Révulsé par ce procédé, Olbermann s’était désolidarisé à l’antenne de sa chaîne pour la diffusion en direct de la vidéo et paraissait sincèrement consterné par l’exploitation des images du 11-Septembre. La sanction ne se fit pas attendre : sa direction l’a évincé des soirées électorales et relégué uniquement en plateau dans son émission, un programme quotidien d’une heure avec des invités débattant autour de cinq sujets d’actualité.
Quelques jours après cette annonce de la part de ses supérieurs hiérarchiques, qui déplorent son ton partisan, indigne selon eux de la charte journalistique du prestigieux réseau NBC, Olbermann contre-attaque. Mercredi 9 septembre, il vitupère, dans la partie de son émission intitulée "Special Comment", le Parti républicain avec une véhémence inédite. D’ordinaire, il est de notoriété publique que le journaliste penche largement en faveur d’Obama et ne se prive pas pour décocher des flèches au camp républicain depuis le début de la campagne. Cette fois-ci, pourtant, Olbermann a accentué la virulence de ses critiques.
Etait-ce l’effet de sa rétrogadation professionnelle ou bien l’approche des commémorations du 11-Septembre qui l’a rendu si nerveux ? Toujours est-il que le journaliste, volontiers comparé par ses ennemis comme l’équivalent hystérique, dans le camp démocrate, de O’Reilly sur Fox News, a marqué les esprits. Beaucoup d’internautes saluent sa courageuse prise de parole sur un network aussi important que MSNBC tandis que d’autres l’accusent de manquement au devoir d’impartialité journalistique.
L’homme aime en tout cas les formules-choc : évoquer, en quelques minutes, le 11-Septembre, ce "slogan publicitaire" utilisé par l’administration Bush, un "gang d’escrocs constitutionnels" dirigés par un "Président qui aurait dû être destitué" et coupables de "malfaisance et de négligence criminelle" pour avoir "permis que les attaques se produisent", avant d’embrayer sur la "pornographie sociologique" de la vidéo, un "snuff movie" commis par le Parti républicain qui s’apprête désormais à raviver les "flammes de la paranoïa à l’encontre d’un autre pays du Moyen-Orient" et de conclure avec brio sur "l’utilisation des terroristes" par John McCain.
"Good night and good luck", tels sont les derniers mots d’Olbermann, comme en clin d’œil au film de George Clooney et à son thème principal : les journalistes doivent toujours combattre le maccarthysme, qu’il s’agisse de l’original ou de sa nouvelle formule, plus connue sous l’appellation de "guerre contre le terrorisme".
Et tandis que les journalistes parisiens s’échinent à qualifier, d’une seule voix, toute dissidence sur le 11-Septembre de "délire antisémite", d’autres journalistes, autrement plus lucides, compétents et courageux, risquent leur carrière pour alerter le citoyen sur la manipulation de cet événement-fondateur. Olbermann est l’honneur d’un certain journalisme, pas celui prétendument impartial, mais celui qui joue pleinement son rôle social : nous informer de ce qui est, en toute authenticité.
Tags : Journalisme 11 septembre 2001
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