Natacha Polony : racisme, xénophobie et fracturation de la communauté nationale
Natacha Polony met le doigt là où ça fait mal...
Qu’une gamine de 12 ans puisse brandir une banane en traitant de guenon la ministre de la justice relève du répugnant. A raison, le fait a choqué. Il a donné lieu à diverses réactions : une tribune de l’animateur Harry Roselmack, des interviews de Christiane Taubira et plus largement une interrogation sur d’éventuelles résurgences racistes en France. Mais là se fait jour un tout autre problème ; une fois de plus on a eu droit à l’assaut contre "les digues qui sautent", "la parole libérée" et autres phrases toutes faites qui ressortent à chaque occasion.
Qui veut endiguer un phénomène s’emploie à le comprendre et à le nommer, pas à jeter des anathèmes.
Le racisme est une idéologie précise : il relève de la croyance en une supériorité de telle population sur telle autre. Il diffère de la xénophobie, qui est la peur et le rejet de l’étranger. Le racisme en France est en reflux, à part chez quelques sinistres individus. La xénophobie est plus complexe. L’idée qu’il faudrait contrôler l’immigration est-elle la marque d’une société xénophobe, ou simplement l’affirmation d’une souveraineté qui est la substance même de l’État-nation ? Le refus du multiculturalisme au nom du modèle français d’intégration est-il xénophobe ? Ou bien relève-t-il d’une conception spécifiquement française de l’universalisme républicain ?
Le problème en France ce n’est pas tant le racisme et la xénophobie, mais la fracturation de la communauté nationale sous les coups conjugués de l’individualisme postmoderne, du communautarisme et de la globalisation. Les revendications des uns contre les autres, la méfiance, les frustrations, voilà ce qui semble autoriser les pires paroles de haine, les défoulements les plus primaires, les "Tous dehors !", comme les "Sale Français !"...
Il y a des choix politiques qui ne découlent pas d’une phobie mais d’une analyse. On peut contester un choix politique, mais le criminaliser relève d’une étonnante conception de la démocratie. Le processus pourtant se comprend facilement. Puisque des décennies de détricotage du modèle républicain français commencent à se faire sentir, il faut bien trouver des coupables : ceux qui proposent des alternatives ou ceux qui clament leur colère et leur
sentiment d’abandon... Tous coupables ! Tous xénophobes ! Leur ériger un immense bûcher risque de mettre le feu à ce qui reste de l’édifice. Mais que ne ferait-on pas pour éviter d’affronter le réel...
Natacha Polony
Tags : Société Racisme
33 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON