Bonjour,
Vous trouverez ci-dessous la réaction de la chanteuse Anais, ainsi que la chronique d’Europe 1 de Claude Askolovitch ce matin à 7h40. Merci
Je suis très attristée de ce qui se passe autour d’Orelsan en ce moment, j’ai l’impression que le talent et la plume de cet artiste sont éclipsés au profit du "sensationnel". J’ai vu Orelsan en concert, entendu le morceau "sale pute", et la seule chose que je me suis dit en entendant ce morceau, c’était qu’il me touchait profondément dans la détresse du personnage, j’avais les larmes aux yeux, tout en souriant de son culot. J’ai l’impression qu’on a tendance à oublier qu’Orelsan raconte des histoires, avec une réalité crue, mais beaucoup d’humour, et de recul et surtout d’humanité. Personne ne m’a jamais reproché tout ce que l’on reproche à Orelsan lorsque j’ai fait ma chanson "Christina"...
Si Orelsan déclenche autant de polémique, je pense que c’est parce que justement, ça a l’air trop vrai. Et si son talent était là ?
Anaïs
www.anaisinyourface.com
Chronique Europe 1
http://www.pqliv3.plusquelinfo.com/MoreThanNews3/Products/WebUI/BroadCastSt reaming.aspx?vdmcrypt=MmItqVUJtFAzP8X5Wq3txw%3d%3d
Patrick Cohen : C’est l’édito politique d’Europe 1. Bonjour Claude Askolovitch.
C.A : Bonjour.
P.C : Est-ce qu’on peut chanter la haine ? Un jeune rappeur Orelsan a provoqué un scandale ces derniers jours avec une chanson « Sale Pute » diffusée sur Internet, il montre un jeune homme trompé par son amie qui la menace violemment.
C.A : Et tout le monde veut punir ce rappeur voire l’empêcher de chanter : la ministre de la culture, Christine Albanel, la secrétaire d’état, Valérie Létard, les socialistes, la communiste Marie-Georges Buffet mais cette indignation unanime a un petit quelque chose de gênant.
Les paroles de la chanson sont effectivement terrifiantes, c’est une haine à l’état brute contre une femme adultère menacée des pires tortures et ça reflète une réalité que subissent trop de femmes mais Orelsan le rappeur explique justement que sa chanson n’est pas un message, que ce n’est pas son opinion, c’est une fiction pour montrer la réalité, il joue un homme trompé qui se saoule et qui bascule de l’amour à la haine, c’est une illustration de la décadence, pas une incitation au crime.
Orelsan n’a pas inclut sa chanson dans son album, il ne l’interprète pas sur scène pour ne pas la montrer à des adolescents, un clip trainait sur Internet depuis des années, il est remonté à la surface parce qu’internet c’est un monde qui interdit l’oubli mais maintenant tout le monde est en train de condamner une chanson qui n’est pas chantée.
P.C : Donc on a tort de s’indigner ?
C.A : Non on doit s’indigner mais l’indignation c’est banal, on doit agir contre la réalité des violences faites aux femmes, on peut aussi si l’on veut s’interroger sur le danger des mots et sur l’idée même d’une censure contre le machisme pourquoi pas ?
Mais ce qui se passe autour d’Orelsan, c’est du lynchage bien pensant : ni Putes ni Soumises menace de boycotter le Printemps de Bourges si Orelsan n’est pas déprogrammé, les Francofolies de La Rochelle se demande s’il ne faut pas l’exclure, des journalistes vertueux s’indignent que d’autres journalistes mélomanes ont pu défendre ce chanteur que eux manifestement n’ont jamais écouté.
Orelsan c’est un rappeur ironique de 25 ans, pas un tueur, il brosse le portrait des perdants de sa génération, il est triste et drôle avec les mots durs de son époque.
On est en train d’en faire à tort le symbole même de la brutalité masculine, on a inventé un diable à abattre.
P.C : Et comment vous expliquez cet enchainement ?
C.A : C’est un processus d’indignation classique et consensuel, la surenchère automatique, il faut protester plus fort que le voisin sinon on est suspect.
Condamner un rappeur ça devient une manière commode de défendre les femmes, il y a des sujets comme ça qui donnent le sentiment d’être du bon coté de la fracture morale
Prenez ces députés européens qui viennent de découvrir la vraie nature de Jean Marie Le Pen, ça fait simplement 25 ans qu’il siège à Strasbourg ou Xavier Darcos qui ce week-end à son tour a condamné les propos du Pape sur les préservatifs comme si on avait besoin d’une nouvelle condamnation avec une semaine de retard.
Ça ne veut pas dire que Le Pen serait défendable, ça ne veut pas dire que le Pape a raison, mais il y a beaucoup de facilités là dedans quand des politiques se contemplent dans le miroir de l’indignation vertueuse, ça relève plus de la complaisance que du courage de l’action.
Claude Askolovitch chaque matin sur Europe 1.