Ce que cela
signifie dans le cadre de notre argumentation sur l’immigration est clair.
L’armée de réserve du travail est naturelle au capitalisme. C’est un élément du
système, qui en fait partie depuis sa naissance – et non pas quelque chose qui a
été apporté par l’immigration. Par sa nature même, le capitalisme dresse les
travailleurs les uns contre les autres, les mettant en concurrence pour les
emplois et les rémunérations, plutôt que de les faire coopérer au bien-être
commun.
Si nous
commettions l’erreur de mettre l’armée de réserve sur le dos des immigrés, on
pourrait tout aussi bien dire qu’il faudrait obliger tous les chômeurs à quitter
le pays – et il y en a 1,7 millions, du reste britanniques dans leur immense
majorité – parce qu’ils exercent tous une pression sur les salaires, quelle que
soit leur nationalité.
Si nous
faisions cette erreur, nous pourrions aussi bien être d’accord avec le très
réactionnaire Daily Mail qui,
dans un de ses derniers accès de rage anti-immigrés, imprimait : ‘La hausse des
salaires est neutralisée parce que davantage de gens cherchent du travail, ce
qui signifie que les employeurs n’ont pas à être très généreux envers ceux
qu’ils recrutent’. Bien au contraire, Marx démontre qu’il est absurde de parler
de ‘générosité’ en ce qui concerne les employeurs – ils cherchent toujours à baisser les salaires, et ne les
augmentent que lorsqu’ils y sont obligés.
Ce sont les
patrons qui sont gagnants lorsque les travailleurs s’accusent les uns les autres
d’être la cause des bas salaires. Accuser les étrangers est seulement une autre
manière, pour les capitalistes, avec la collaboration de leurs médias aux ordres
et à l’aide d’une solide dose de racisme, (et après ils ont le culot de parler de briser des tabous et d’être politiquement incorrect) d’encourager les salariés à se battre
les uns contre les autres plutôt que de se retourner contre le système qui
produit la pauvreté et le chômage.
Bien sûr,
l’immigration gonfle la force de travail et a donc un impact sur le marché de
l’emploi et les salaires. Mais lorsqu’on regarde les chiffres, on se rend compte
qu’elle est loin d’avoir un effet uniquement négatif.
Un très
important travail de recherche mené aux Etats-Unis de 1990 à 2004 montre que les
immigrés ne sont généralement pas en compétition avec les travailleurs
américains pour les mêmes emplois. Ils sont concentrés aux extrémités, haute et
basse, du marché du travail, et sont très peu représentés dans la masse moyenne
de la force de travail.
Une analyse
portant sur 18 enquêtes d’immigration a découvert que les estimations de
l’impact sur les salaires varient, mais qu’elles sont massées autour de zéro –
en moyenne, il n’y pas d’effet sur les salaires. De plus, il n’y a pas une
quantité fixe d’emplois pour lesquels les travailleurs sont en compétition, et
l’immigration peut contribuer à créer de nouveaux emplois et donc une expansion
économique.
C’est ainsi
qu’une étude extensive portant sur l’Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale a
démontré que le recours à l’immigration a été motivé essentiellement par la
pénurie de main d’œuvre. L’étude a constaté que l’immigration pouvait provoquer
une baisse des salaires des travailleurs sans qualification, ajoutant que
l’effet était cependant temporaire, les économies réagissant en développant la
production dans des secteurs utilisant de la main d’œuvre non qualifiée,
poussant finalement à nouveau les salaires vers le haut.