@ Catherine Ségurane
Voici donc que m’est
montrée une mauvaise compréhension DE PLUS. Et, comme vous n’êtes pas morice, elle m’atteint très
durement.
C’est qu’elle touche
le centre et le sens mêmes du combat que je mène depuis maintenant 20 ans dans
le domaine religieux.
Je suis persévérant
dans ce combat car il me semble de la plus grande importance : je ne crois pas
DU TOUT à la possibilité de la paix sur terre sans un changement radical, une
INVERSION de la pensée religieuse en la matière. Je ne crois pas être
obstiné, buté… et, si l’on me montrait que je me trompe je suis certain que je
le reconnaîtrais : je ne vois pas de valeur plus indispensable dans la vie que
l’honnêteté envers soi-même.
Je sais que vous avez
lu mon texte "Benoît XVI, premier responsable de la violence
religieuse" mais je vois que vous l’avez lu trop vite, ce qui est
excusable puisqu’il est très long.
C’est précisément la
Bible de Jérusalem, que vous me conseillez, que je considère comme le pire de
tout dans l’Eglise d’aujourd’hui. Mais entendons-nous bien : je parle de la
version ANNOTEE ajoutée après le Nouveau catéchisme par des théologiens aussi
GRAVEMENT DOGMATIQUES que Ratzinger / Benoît XVI lui-même. Je me cite :
"" La Bible annotée de Jérusalem, éditée en France en l’an
2000, juste après le Nouveau catéchisme (1998) nous donne la « bonne
interprétation ». En de nombreux endroits elle nous dit de multiples
manières que « le glaive c’est la Parole de Dieu ». Mais c’est sans
doute en marge du Livre de Josué que les théologiens papistes donnent le plus
écoeurant exemple de « bonne interprétation ».
Les chapitres 3, 4, 7 et 8 décrivent avec de nombreux détails la
conquête du nord et du sud de Canaan. Chaque fois que le « Dieu
Sauveur » livre une cité à son peuple en lui assurant la victoire il
insiste pour que tous les ennemis soient « passés au fil de l’épée »
afin que ne reste absolument aucun survivant. La consigne est respectée, jour
après jour, jusqu’à la fin du massacre. Une note en marge nous dit la leçon que
nous devons en tirer : « La puissance de Josué réside dans son total
abandon à la volonté de Dieu. Il fait comme Yahvé lui avait dit. Il
préfigure ainsi le Christ Jésus dont
la toute puissance sera l’obéissance jusqu’à la mort : « non comme je
veux, mais comme tu veux ».
Jésus donnera sa propre vie dans
l’obéissance à « Dieu son Père », et il la donnera pour faire
comprendre aux humains qu’ils « doivent s’aimer les uns les autres ».
Josué massacre tout un peuple pour
occuper sa terre mais il faut comprendre, selon les théologiens
« interprétant correctement » que, dans les deux cas, c’est le même
enseignement qui est donné au lecteur ! C’est ce qu’annonce d’ailleurs
explicitement l’introduction au Livre de Josué : « L’ensemble du
livre est une figure de la vie et de l’œuvre qui seront celles de Jésus-Christ.
Le Dieu Sauveur fait entrer son peuple, l’humanité, dans la Terre promise,
figure du royaume à venir, le Royaume des Cieux ».
Et les « bons
interprètes » n’hésitent pas à créer, dans cette Bible de l’an 2000, un
personnage unique à deux têtes, deux âmes, deux conceptions humaines
complémentaires, pour eux très cohérent, qu’ils nomment
« Josué-Jésus » !
""
Dans le passage que
vous critiquez je n’ai pas précisé, comme je le fais habituellement, ce qui
distingue Benoît XVI de Mahomet après leur commune - et écoeurante selon moi -
manière de voir la "Parole de Dieu" : le pape dit que Dieu A CESSE
depuis 2000 ans d’appeler à massacrer des peuples, Mahomet et ses descendants
d’aujourd’hui disent que ses appels au meurtre SONT TOUJOURS VALABLES.
Moi je dis que JAMAIS
Dieu, s’il existe, n’a appelé à massacrer. Je dis que ce sont des CHERCHEURS DE
DIEU qui le lui ont fait dire. Je le disais déjà dans ce texte publié il y a 4
ans :
http://www.centpapiers.com/la-decennie-au-profit-des-enfants-du-monde-va-finir-en-catastrophe/76309
Et j’insistais encore
dans cette suite publiée deux ans plus tard :
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/irina-bokova-voudra-t-elle-64907
Et je considérais déjà
ma réflexion comme se situant DANS LA CONTINUITE de celle des CHERCHEURS de
Dieu que, comme tels, j’ai toujours respecté.
Vous avez raison de
dire qu’il n’y a, chez les chrétiens, "aucune complaisance dans les
massacres". Vous avez tort de dire que "le fondamentalisme catholique
cela n’existe pas", même si vous reconnaissez que l’Eglise "se
réserve le monopole de l’interprétation". Autre citation du dernier texte
conseillé ci-dessus (un passage revenant bien souvent dans mes écrits sous une
forme ou sous une autre) :
"" La fameuse "interprétation"
est depuis toujours, dans toutes les religions monothéistes, la manière de dire
que c’est le lecteur qui ne sait pas lire lorsqu’il tire des conséquences désastreuses,
mais parfaitement logiques, de sa
lecture. C’est aussi la manière de lui faire porter seul la responsabilité de
ses actes, et d’innocenter l’institution qui lui a donné ses mauvaises
lectures. Je crois qu’il serait plus honnête, plus courageux, et même plus bénéfique
pour ces religions, qu’elles reconnaissent enfin que leur erreur - gravissime -
fut dans la divinisation / sacralisation / dogmatisation de simples créations
littéraires humaines, celles de chercheurs de Dieu, le plus souvent très bien
intentionnés parce que soucieux de trouver, pour soi et dans son rapport avec
les autres, la plus noble, la plus juste manière de vivre la vie sur terre.
Il faut cependant insister sur ce qu’est
devenue, dans les faits, la conception violente de Dieu cultivée par les
religions monothéistes. Aujourd’hui les juifs et les chrétiens, même s’il faut
regretter leur persistante tricherie théologique, ne demandent plus jamais,
dans aucune de leurs composantes, que la prétendue violence de Dieu soit mise
en application. On peut même soutenir que c’est en trahissant le Jésus dont
elle se réclame que l’église catholique tient à la considérer comme toujours
vraie pour l’humanité contemporaine de l’Ancien Testament. Le judéo-christianisme
continue de former des croyants schizophrènes, mais il n’est plus qu’indirectement
responsable de la violence religieuse effective du monde actuel.
Il n’en est pas
de même de l’islam, dont le prophète a affirmé la prétendue criminalité divine
"pour la bonne cause", valable sinon éternellement, du moins jusqu’à
ce que le Dieu coranique domine le monde dans sa totalité. Et c’est en se référant
très explicitement au prophète Mohamed et à son Coran que des musulmans méprisent
aujourd’hui très ouvertement, très publiquement, tout ce qui ne vient pas de
cette loi religieuse, qu’ils empêchent les femmes de vivre une vie réellement
humaine, qu’ils maltraitent et qu’ils tuent. ""
Ne vous inquiétez, Catherine,
ni pour moi ni pour les chrétiens. Ils supportent pour le moment le dogmatisme
intolérable (indirectement criminogène) de leur pape mais, dès qu’un membre de
l’institution catholique dira que le problème mérite au moins réflexion, ils le
suivront massivement, j’en suis convaincu, en clamant qu’il est plus que temps
qu’on le reconnaisse. Et la radicale réforme viendra alors très vite.
Encore un extrait d’un
texte plus ancien, après ma vaine tentative de faire réfléchir tout de suite
après le 11 septembre 2001 :
"" Le
problème de la violence religieuse sacralisée se présente exactement comme se
présentait, il y a quelques années, celui du principe quasi-sacré de la
"non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats". Nous étions
probablement très nombreux à penser que, lorsque des violations manifestes des
Droits de l’homme pouvaient être constatées dans certains pays ce principe
était choquant et inacceptable, et qu’il fallait au contraire le remplacer par
un droit, voire un devoir d’ingérence. Nous ne savions comment faire prendre en
compte cette conviction et ne l’exprimions que dans des courriers privés. Il
n’a fallu que l’expression publique de cette conviction par quelqu’un qui avait
accès aux médias - Bernard Kouchner - pour que le devoir d’ingérence soit exigé
aussitôt par un grand nombre d’individus et très rapidement obtenu. Une fois
rendue publique l’exigence de désacralisation de la violence, les religions ne
tarderont probablement pas, sur l’insistance de leurs fidèles, à procéder à la
désacralisation. "" (PR déc. 2001)
Pardon d’avoir été
très long mais, d’une part les éditeurs n’ont pas voulu que je dise tout cela dès
le 15 septembre 2001 et, d’autre part, j’en reste persuadé : nos enfants et
ceux qui les suivront NE POURRONT PAS connaître durablement la paix sur la
terre tant que la conception criminogène de Dieu n’aura pas été RADICALEMENT
REJETEE PAR LES INSTITUTIONS DU MONOTHEISME.
Bien cordialement.