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Commentaire de Morpheus

sur Pourquoi je ne vote pas ?


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Morpheus Morpheus 7 avril 2012 22:40

Je suis d’accord avec machiavel (et ses correctifs par rapport à ce que j’ai dis sur le fait de "proposer des lois").

Concernant la question des personnes "bonnes" ou "mauvaises", j’aurais quelques remarques à formuler pour faire avancer les idées (et casser des idées fausses à ce sujet).

1. Une idée largement répandue est que les humains, "par nature", seraient portés à la domination (s’ils le peuvent) et à la malveillance (en général) : "l’homme est un prédateur", "l’homme est un loup pour l’homme", etc.

2. Cette idée est alimentée par l’observation du comportement humain, et plus particulièrement l’observation de ses pires penchants, qui effectivement abondent dans l’Histoire des civilisations.

3. Pourtant, d’importantes recherches scientifiques, d’une part sur le plan biologique (et plus spécifiquement génétique - voir l’épigénétique), d’autre part sur le plan sociologique, montre que cette idée est biaisée (fausse).

4. Ce débat est un vieux débat, portant sur la question de l’inné et de l’acquis. L’homme est-il "par nature" mauvais, ou développe-t-il des penchants mauvais à cause de son environnement socioculturel ?

5. Ces recherches évoquées ci-dessus montre de façon déterminante que l’impact de l’environnement socioculturel est déterminant dans le comportement des humains en société. Le cadre - bienveillant ou malveillant - du contexte socioculturel dans lequel les humains évolue depuis leur enfance déterminera de façon majeure le type de comportement qu’ils vont adopter, et non une quelconque "nature", prétendument "inscrite dans ses gènes".

6. Or, le contexte socioculturel n’est pas une fatalité : il résulte de choix en matière de politiques, de valeurs, de croyances. C’est quelque chose qui n’est pas figé, qui peut évoluer, et qui dépend aussi de chacun de nous.

7. Il s’agit donc, dans le cadre de la réflexion présente sur l’élaboration d’une constitution et d’institutions robustes destinées à protéger les citoyens contre tous les abus de pouvoir, de comprendre quelles sont les causes majeures, fondamentales "la cause des causes" de leurs attitudes négatives (domination, corruption, criminalité, perversion, etc.).

8. La cause fondamentale des comportements "déviants" que nous observons me semble être la nature de notre approche économique : l’économie fondée sur la monnaie. Il me faudrait donc, pour démontrer cette affirmation, développer cela, en étant aussi bref que possible.

A. La monnaie est un instrument inventé par les humains pour échanger des marchandises et des services. Au moment où la monnaie a été inventée, elle a sans doute répondu à un besoin dans la façon dont les hommes voulaient s’organiser, et a donc sans doute rendu service pendant un temps déterminé. Le monde actuel, globalisé, avec la quantité de connaissances et de découvertes acquises depuis des générations, a changé, et ce système ne remplit plus la fonction pour laquelle il a été inventé : il est donc obsolète.

B. La monnaie, qu’elle soit matérielle (billets, pièces, or, etc.) ou virtuelle (données informatiques) n’a en elle-même aucune valeur réelle : on ne peut pas se nourrir avec des billets, ni produire de l’énergie, ni fabriquer une maison ou quoi que ce soit ; ce n’est pas la monnaie qui produit des richesses, ce sont les ressources qui constituent la véritable richesse.

C. La valeur que l’on attribue à la monnaie est subjective et dépend de la confiance qu’on accorde à ces signes (nb. voir aussi le point 7 à ce sujet), mais également de la quantité de signes en circulation (inflation / déflation).

D. Par contre, la valeur des biens et des services va dépendre essentiellement de leur rareté : un produit, un bien ou un service abondant aura un faible prix ; un produit, un service ou une ressource quelconque se trouvant en faible quantité ou en pénurie aura un prix élevé (principe de la "loi de l’offre et de la demande").

E. Par conséquent, l’ensemble du système économique basé sur la monnaie est fondé sur la (gestion de la) pénurie : pour qu’un produit, une ressource ou un service ait une valeur, il doit être plus ou moins rare. Le suprême paradoxe étant que, pour maintenir sa valeur, la monnaie elle-même doit être rare !

F. Comme la quantité de signes (de monnaie) en circulation doit elle-même être en situation de pénurie, il en résulte que de manière générale, il doit ne jamais y en avoir assez pour tout le monde ... !

G. Ce système d’économie basée sur la monnaie doit reposer sur un ensemble de lois contraignantes, sans lesquelles l’ensemble des populations ne joueraient pas le jeu. Ces lois sont le ciment du système et ne peuvent être discutées, à la façon d’un credo religieux au sein d’une église.

H. Comme l’argent devient nécessaire pour se procurer les produits et les services nécessaires à vivre et prospérer, et comme il n’y en a pas assez pour tout le monde, il s’ensuit logiquement qu’il va y avoir concurrence et compétition.

I. De façon générale, l’ensemble des ressources (donc des richesses de la planète) vont aboutir entre les mains d’un très, très petit nombre de personnes (en proportion au 7 milliards d’individus), et ces personnes, contrôlant de (très) grandes portions des ressources, déterminent elles-mêmes la rareté et les prix, quitte à détruire (ou dissimuler) les ressources excédentaires (il faut maintenir
 artificiellement ! - les prix, donc la rareté et la pénurie).

Donc, tout système économique basé sur la monnaie revient in fine à organiser et pérenniser la pénurie et la compétition, plutôt que gérer de façon commune les ressources dans le but de générer l’abondance pour tous.

Si pareille analyse nous choque, nous pourrions déjà nous demander si cela correspond à la réalité observable ou non. A la lumière de cette analyse, il semble bien que - au delà d’un mauvais système de gouvernement qui rend les peuples structurellement impuissants - critique très pertinente et éminemment nécessaire - ce soit le principe même de l’économie basée sur la monnaie que nous devrions balayer de nos conceptions, afin de repenser un système entièrement neuf.

On peut réfléchir à toutes les implications et conséquences sur les comportements humains d’une société sans monnaie, sans argent, et où chacun à accès à tous les biens ou services dont il a besoin. Mais pour juger du caractère utopique ou réaliste du projet, il nous faut envisager les choses en dehors du carcan étroit des conditions actuelles, sans quoi nous condamnerions la proposition sur des arguments fondés sur les conditionnements mêmes que l’on cherche à changer, ce qui serait le comble de l’absurde. Nous sommes névrosés par le contexte de la société actuelle : nous sommes matérialiste parce qu’il n’y en a pas assez ; nous amassons et nous devenons possessifs avec les biens matériels, parce que cela représente des richesses, nus développons l’avidité parce que la possession est le signe de la réussite. Il en irait tout autrement dans un contexte où tous auraient accès à tout ce dont ils ont besoin librement. Dans pareil contexte, les névroses possessives disparaissent. Le besoin d’accumuler (peur du manque) n’a plus besoin d’être. L’obsolescence planifiée disparait, et les ingénieurs peuvent - enfin ! - déployer toute leur créativité afin de développer des dispositifs et appareils solides, fiables et durables (puisqu’il n’y a plus besoin de répondre à des objectifs de rentabilité et de consommation renouvelée). Les vols n’ont plus lieu d’être, par conséquent, toute une série de crimes n’ont plus de raison de se développer. Libéré des tâches pénibles et dangereuses grâce à la robotique, les gens peuvent consacrer une grande partie du temps ainsi libéré afin de se consacrer, qui à la gestion de la cité, qui a l’étude, qui à des loisirs (créatifs ou non), qui à des associations culturelles, qui à la spiritualité, qui à la recherche... La participation à la gestion de la cité est encouragée et souhaitée, par le biais de l’application des principes de l’Open Source à tous les domaines de la politique (au sens noble du termes, c’est-à-dire "gestion de la cité") : une véritable démocratie participative.

(désolé pour la longueur de mon intervention).


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