Qui menace qui ?
C’est un peu la question que je me pose en
lisant certains articles. Je n’ai pas encore regardé cette interview,
mais sais pour en avoir vu beaucoup d’autres que le président syrien est
un homme extrêmement calme, tempéré, clair dans ses propos, y compris
dans ces circonstances où la tension pour lui doit être maximale. Et
qu’a-t-il dit d’après les articles parus ce jour dans la grande presse ?
« Le peuple français n’est pas notre ennemi, mais (...) dans la mesure
où la politique de l’Etat français est hostile au peuple syrien, cet
Etat sera son ennemi ». « Il y a aura des répercussions, négatives bien
entendu, sur les intérêts de la France », a-t-il menacé. » (source)
Il
aurait aussi dit d’après d’autres sources que le peuple français est
trompé par ses dirigeants : c’est le cas avec l’assurance de preuves qui
ne viennent toujours pas, timides qu’elles sont, et le mensonge visant à
faire croire que les terroristes seraient dans le camp d’Assad et non
dans celui d’Abou Sakkar. Et corrélativement : qu’il faut donc aider les
rebelles "résistants" (comme si c’était le régime à l’offensive et non
l’inverse) pour sauver le peuple syrien dans la tourmente.
Bref —
je vais pas refaire le tour de l’illusionnisme en vigueur dans ce
conflit, la rhétorique double-pensante des va-t-en-guerre, mais salue le
discernement d’un horrible dictateur sanguinaire et impulsif (à les
entendre) qui contrairement à eux et à leurs frappes "ciblées", fait la
différence entre nous le peuple et nos dirigeants. La majorité des
Français comme celle des Américains est opposée à ce conflit dont on
nous prévient qu’il aura lieu de toute façon, juste le temps de
"produire" les preuves nécessaires. Et lorsque les sondages tous azimuts
disent "non", la télé ne dit pas que les gens sont "contre" : elle
explique que l’opinion n’est simplement "pas encore prête".
Ce n’est pas
Assad qui menace la France mais bien les dirigeants de cette dernière
qui, contre l’opinion du peuple, entendent le "punir" pour des actes
dont aucune preuve tangible ne l’accuse. Le président syrien ne fait que
réagir dûment à la menace de ces étrangers qui en effet n’ont pas le
droit de s’ingérer de la sorte dans les affaires de son pays ; et il le
fait avec une remarquable pondération compte tenu de ce que lui et son
peuple endurent en grande partie grâce à "nous" qui soutenons contre
toute logique les semblables d’Abou Sakkar.
Et pour finir : ce
que la tournure des événements met en lumière, c’est la tentation
dictatoriale de NOS dirigeants qui sur presque tous les sujets, mais
plus gravement encore à propos de cette guerre, agissent sans tenir
compte de l’opinion publique. Ou à l’encontre de celle-ci quand elle
s’exprime. Assad lui, explique que le peuple syrien a le droit de
renverser ses dirigeants ; mais qu’aucune puissance étrangère ne peut le
faire à sa place. Et de fait il organisa l’an dernier des législatives
que l’opposition comme lesdites puissances "boycottèrent", préférant
laisser pourrir le conflit armé et désigner eux-mêmes son successeur
plutôt que de laisser s’exprimer les urnes.
En fait ce qui
ressort enfin dans la lumière, c’est ce que les gens doivent absolument
comprendre : en politique, dans les médias, et sur tous les sujets, la
vérité est souvent dans le contraire de ce que l’on nous dit. Le sens
des mots est renversé : remettez-les à l’endroit et alors vous
comprendrez. Les gens sont peut-être en train de comprendre ça
(ironiquement : grâce au mépris de ces "élites" qui pensaient pouvoir
leur resservir la même m*rde indéfiniment) et si c’est le cas, c’est
très positif !