@Gollum
Comme tu dis, la civilisation chrétienne n’est clairement pas réductible à la mythologie fondatrice de l’ancien testament, qui est très sommaire. Le nouveau testament le met à déjà à bonne distance. "La vérité vous rendra libre". Il ne faut pas avoir peur de la vérité, elle ne peut souffrir d’aucune contradiction, donc tout ce qui est vrai chez les penseurs antiques, ou d’ailleurs (Inde, Chine, Moyen-orient) doit être considéré comme tel.
Ce fut d’ailleurs tout le programme de la scolastique, comparer et commenter des textes d’origines diverses, fondés sur des croyances diverses. Pas toujours facile à concilier, mais c’est déjà la base d’une certaine ouverture d’esprit.
Maintenant, qu’est-ce que la vérité, qu’est-ce qu’une théorie ? La vérité est un discours correct sur les faits. Une théorie essaye de concilier les faits dans un modèle logique, fondé sur des concepts, articulés entre eux d’une certaine manière. C’est donc aussi un discours sur les faits.
Une théorie est juste quand elle est vraie.
Mais les concepts ne sont pas des faits. Il y a une distance entre les deux termes. Les premiers siègent dans le monde des idées, tandis que les seconds siègent dans le monde réel. [Je laisse de côté la querelle des universaux, même si, comme Leibniz, on peut s’en tirer en jugeant les concepts comme des objets réels de l’entendement divin].
Ceci fait que l’ingénierie des concepts est une partie essentielle de la construction d’un discours sur le réel. Toute révolution scientifique s’est faite d’abord sur une révolution des concepts. Par exemple, la chimie a changé la notion d’élément et distingué des états. La relativité a changé les notions d’espace et de temps,...etc [au sujet de celle-ci, d’autres conceptualisations sont possibles].
Mais on peut très bien avoir une théorie fausse, fondée sur des concepts faux, mais articulés faussement, d’une manière qui compense les erreurs de concepts, et qui retrouve néanmoins correctement les faits. Le risque est d’autant plus grand quand on multiplie les paramètres de réglage de la dite théorie.
Donc, il ne faut pas faire comme si l’état actuel de la science (consensuelle) était parvenu à la perfection absolue, indiscutable. La recherche scientifique est un processus social, donc fortement influencé par le politique.
La recherche actuelle est imprégnée par le manichéisme (ou libéralisme si tu préfères) anglo-saxon (la théorie cinétique des gaz est sa transposition à la nature), lequel domine tant ses financements, donc sa direction, que ses publications. Gare à qui s’en écarte.
La situation n’est donc pas meilleure que sous la prééminence de Rome. Voire, elle a empiré, car les moyens de censure sont autrement plus subtils et puissants. Au moins Rome reconnaissait-elle l’équivalence des Hypothèses d’Oresme (qui affirme déjà au XIIIe siècle que ce serait quand même plus simple pour Dieu de faire tourner la Terre plutôt que l’intégralité des cieux). C’est surtout le coté provocateur de Galilée qui lui a posé problème (Kepler n’en ayant eu aucun).
En vérité, il n’y a rien de nouveau sous le soleil : la science restera à jamais dogmatique et soumise à un pouvoir politique, qui, malgré tous ses beaux discours, aura toujours un parti pris.