@Éric Guéguen
Socrate a tenté de se tenir sur ce mince fil et il l’a payé de sa vie.
14Ce que nous laisse Socrate, c’est l’explosion de son esprit à travers le texte de Platon, qui a ouvert pour l’humanité une faille fondamentale. Socrate pense avec la joie de celui qui danse et la vraie mort de Socrate ce serait oublier, ce qu’a pu être la pensée, car une pensée qui ne désire plus qu’avoir connaissances, résultats, ou salut n’est plus la pensée que la joie fait chanter mais bien un chant qui se meurt.
15En arrière de Socrate comme de Freud se profile le sens de cette fragilité et de cette précarité. Retourner à Socrate, c’est retrouver l’énergie joyeuse de la pensée, son énergie à l’état pur. La vie est occasion de chant, pas celui de la déploration d’une condition mais célébration d’un ailleurs. C’est la surabondance qui le fait penser et non pas la douleur du manque.
16Pour terminer je voudrais lire ce que Nietzsche dit de Dionysos dans, Ecce Homo, mais qui peut-être inconsciemment est adressé à Socrate :
17« Le Génie du Cœur, tel que le possède ce grand Mystérieux, ce dieu tentateur, né pour être le charmeur des rats des consciences, dont la voix sait descendre jusqu’au monde souterrain de chaque âme… qui ne dit pas un mot, ne jette pas un regard où ne se cache une intention secrète de séduire… le Génie du Cœur, qui impose silence aux braillards et aux fats et leur enseigne à écouter, qui polit les âmes rugueuses et leur fait goûter un désir nouveau, celui de demeurer lisses et immobiles comme un miroir pour refléter le ciel profond…
18Après son attouchement, chacun repart enrichi, non d’un présent reçu par grâce ou par surprise, ni d’une félicité étrangère dont il se sentirait oppressé, mais plus riche de soi-même, renouvelé à ses propres yeux… caressé et mis à nu par le souffle tiède du dégel, peut-être aussi plus incertain, plus vulnérable, plus fragile, plus brisé, plein d’espérances qui n’ont pas encore de nom. »
19N’est-ce pas ce mouvement subversif qui est le sens même de la psychanalyse, que certains ne cessent de combattre, au nom d’un souci de grande clarté. N’est-ce pas ces espérances sans nom que les analysants se risquent de chercher dans nos cabinets comme un ultime point de fuite de l’image.
20Ce point de fuite vers l’origine intérieure, invisible, Socrate l’a donné au monde, dans un geste inaugural, que nous ne pouvons jamais oublier au risque d’y perdre notre âme…
https://www.cairn.info/revue-insistance-2007-1-page-217.htm
A bientôt. Amitié.