Il y a des jours Gaspard, où je me demande franchement ce que tu fais dans la vie. Tu es peut-être boulanger, chômeur ou prof. Tu devrais penser à écrire un bouquin ou à lancer un journal. Je suis prêt à prendre mon abonnement annuel si c’est le cas.
Ce n’est pas parce que je suis végétarien que je me définis comme spéciste. Je n’ai pas besoin de m’identifier à une quelconque catégorie. Je ne comprends pas non plus le relativisme qui consiste dans toutes les discussions à invoquer le droit au respect de la différence des points de vue comme alpha et oméga de l’échange. Si tout n’est qu’opinion et si notre objectif est de défendre notre opinion et non de questionner, alors pourquoi vouloir échanger ? (je précise que cette question n’appelle pas de réponse argumentée).
Il y a une différence notable que je vois tout de même : - Vous dites que j’agis en fonction d’un fait, qui est la souffrance animale. (sauf si vous voulez relativiser aussi la souffrance d’autrui) - Vous dites que vous agissez en fonction d’une idée, "l’ordre naturelle des choses", qui est une construction de la pensée et qui explique (ce mot est important) votre action.
Quant aux idéologies du XXème siècle et de leurs atrocités, elles découlent bien d’idées érigées en principes (des idéaux) et du déni d’une réalité trop complexe pour être mise en boîte par la pensée. Ce qui a conduit à toutes ces violences. Elles veulent mettre l’humain dans un moule.
Bien sûr que les totalitarismes peuvent avoir beaucoup de formes différentes. Ils partent d’une volonté d’imposer leur point de vue aux autres et utilisent tout le spectre des idées pour ça (gauche, droit, haut, bas, anti, pour). Ainsi on observe bien que le problème réside dans le mouvement qui sous-tend l’action et non pas les caractéristiques de l’action. Il peut y avoir un végétarien fanatique et un végétarien ouvert, les deux sont végétariens mais n’agissent pas de la même manière. Le premier utilise une cause pour les besoins de son égo, le deuxième parce qu’il aura surement réfléchi à la question de son plaisir et de la souffrance animal qu’il engendre.
La question n’est donc pas pour ou contre, mais pourquoi ? Ensuite c’est à chacun de creuser. Certains s’arrêteront à la première explication satisfaisante qu’ils trouveront, d’autres ne se satisferont pas de réponses (d’opinions pourrais-je dire) mais voudront comprendre.
Pourquoi toujours créer des camps, les spécistes contre les antispécistes ? ça n’a juste aucun sens, on n’est pas au football ou à faire de la politique. Si on souhaite débattre, chaque partie trouvera des moyens de justifier, d’argumenter sa position, de se retrancher dans ce qu’il croit être la bonne façon de faire.
Comme sur n’importe quel sujet, si l’on souhaite se prouver à soi même que l’on a quelques bons arguments en réserve, on réussira sans mal à se conforter dans sa position grâce à ceux-ci. On sortira de la conversation en se disant : aha c’est moi qui avais raison ! malgré ce qu’il m’a dit, je pense toujours de la même manière ! Je suis capable de penser ce que je veux aha !
Ou alors on commence par mettre en doute son propre jugement, comprenant bien que si on pense avoir raison, on ne peut pas être sur d’avoir raison (l’ignorant ne sait pas qu’il ne sait pas, donc dans le doute on observe). Il faut donc d’abord douter de sa position, et voir si ce qui est dit par l’autre a du sens ou pas.
Personne n’est obligé à quoi que ce soit. Au final, on agit toujours en fonction de notre compréhension de toute manière. Mais entre se dire que l’on a raison d’emblée (et donc ne rien apprendre) et essayer d’être intelligent par rapport à soi-même ( et pas par rapport aux autres, on s’en fout de ça, sauf si on a quelque chose à se prouver), la première nous sclérose puisqu’elle ne fait que soutenir une croyance, la deuxième doute d’abord, donc cesse de s’identifier à spéciste ou non-spéciste, observe et voit par elle-même.
Qu’est ce que cela veut dire moralement condamnable ? Vous en remettez vous toujours à la norme dictée par la majorité ou êtes vous capable, être humain que vous êtes, de voir ce qui est objectivement bien de faire ? A certaines époques dans l’Histoire, la traite des noirs n’était pas moralement condamnable, tuer des juifs, des homos non plus. Si la norme était synonyme de bien, nous aurions la paix sur Terre depuis des lustres.
Aujourd’hui il est parfaitement possible d’être végétarien. Seulement cela suppose de se demander pourquoi on mange de la viande et du poisson, si c’est par habitude et par pur plaisir que l’on achète dans un supermarché bien propre, loin des centres de production concentrationnaires (les faits, rien que les faits). Mon petit plaisir vaut bien la souffrance de ces pauvres bêtes, qui ne sont que des bêtes, et puis, on ne va non plus remettre en question la chaîne alimentaire.
Demandez vous pourquoi vous faîtes ce que vous faîtes, vous verrez une fois qu’on a commencé, on ne peut plus s’arrêter.