Crime et châtiment de Dostoïevski : peut-on s’affranchir de la morale ? (De la souffrance à la rédemption)
Dostoïevski « nous donne à voir en plongeant au plus profond de l'âme d'un homme, en l'occurrence Raskolnikov, ce qu'il se passe lorsqu'on est profondément nihiliste, lorsqu'on a cru qu'on pouvait s'affranchir de la morale, du bien et du mal, qu'on pouvait vivre en actant que Dieu est mort, selon la fameuse formule de Nietzsche, et faire preuve d'un relativisme absolu.
Et au fond, la question que pose Dostoïevski [1] dans ce roman est la suivante : est-il légitime de tuer une personne qui fait du mal ? » (La Quête du Sens)
« Crime et Châtiment [2] est un roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski publié en feuilleton en 1866 et en édition séparée en 1867. Archétype du roman psychologique, il est considéré comme l'une des plus grandes œuvres littéraires de l'Histoire. » (Wikipédia)
La Quête du Sens nous propose une vidéo qui résume et analyse le roman de Dostoïevski. On trouvera plus bas une transcription partielle de la vidéo, et différents contenus liés au sujet.
La Quête du Sens | De la SOUFFRANCE à la RÉDEMPTION | Crime et châtiment - Dostoïevski (31:41)
(Sortie le 19 déc. 2024)
Peut-on s'affranchir de la morale ?
C'est la question à laquelle Fiodor Dostoïevski répond dans son chef d'œuvre Crime et châtiment, que je résume et analyse aujourd'hui.
00:00 Introduction
01:20 Qui est Fiodor Dostoïevski ?
02:40 L'élément déclencheur
03:32 Qui est Raskolnikov ?
04:12 De la dépravation à la tentation du crime
06:43 Le songe de Raskolnikov
12:38 La place du crime dans le roman
17:49 L'essence du message de Dostoïevski
19:15 Le rôle symbolique de Sonia
21:21 La résurrection par l'amour
27:47 De Raskolnikov à Taxi Driver
30:35 Conclusion
(début de la transcription, 17:50) « Et c'est là qu'on peut en venir à ce que je crois être l'essence même du message de Dostoïevski dans Crime et Châtiment et plus largement dans son œuvre tout entière : l'auteur nous donne à voir en plongeant au plus profond de l'âme d'un homme, en l'occurrence Raskolnikov, ce qu'il se passe lorsqu'on est profondément nihiliste, lorsqu'on a cru qu'on pouvait s'affranchir de la morale, du bien et du mal, qu'on pouvait vivre en actant que Dieu est mort, selon la fameuse formule de Nietzsche, et faire preuve d'un relativisme absolu.
Et au fond, la question que pose Dostoïevski dans ce roman est la suivante : est-il légitime de tuer une personne qui fait du mal ?
L'exemple de Raskolnikov est implacable : vivre une liberté totale, choisir de tuer, choisir en toute conscience le mal plutôt que le bien est possible, mais invivable, car choisir le mal est insoutenable. Insoutenable, du fait du poids de la responsabilité que cela entraîne : la folie la paranoïa, la détresse, les sueurs, la fièvre, la culpabilité, la peur de se faire attraper... Car comme nous le rappelle Dostoïevski par les mots de Mitia dans Les Frères Karamazov [3] : "si Dieu n'existe pas, alors tout est permis". [4]
Et c'est ici, par le questionnement sur Dieu, sur le divin, qu'on peut faire le pont avec le deuxième point que je voulais aborder : le rôle de Sonia.
C'est encore une fois un personnage féminin qui va faire renaître notre personnage principal Raskolnikov ; il s'agit de Sonia, dont l'étymologie même du prénom correspond à la sagesse. Elle est la fille de Marmeladov qui, je vous le rappelle, l'a prostituée pour s'acheter de l'alcool et subvenir aux besoins de sa famille. Et malgré la débauche de sa vie, Sonia a le cœur profondément pur, du fait d'une foi chrétienne simple mais ardente. Une foi qui d'ailleurs est totalement étrangère à Raskolnikov, tout au long du roman, et de laquelle il semble même se moquer, ne manquant à aucun moment de souligner à Sonia l'absurdité de croire en Dieu, et de croire en un Dieu qui ne la protège même pas de sa condition déplorable. Mais cette même foi dont se raille Raskolnikov, c'est également celle qui va permettre à Sonia, alors même qu'elle est au courant des crimes de ce dernier, de faire preuve d'une infinie compassion et d'un amour sans faille à l'égard du jeune homme. Alors même qu'il pensait être perdu, Sonia lui apporte l'amour qu'il n'aurait jamais espéré mériter : "Un sentiment qu'il ne connaissait plus depuis longtemps jaillit comme une vague dans son âme et l'adoucit d'un seul coup. Il ne lui résista pas : deux larmes se formèrent sur ses yeux et se figèrent sur ses cils."
Alors même qu'il avait voulu se croire homme extraordinaire, s'extraire du monde humain, Sonia l'a ramené dans la communauté des hommes. Et cet amour, c'est précisément l'amour christique auquel Dostoïevski semble tout le temps revenir, comme solution à la damnation humaine. Comme il le fait dans Les Frères karamazov ou dans l'Idiot, qui sont des romans pour lesquels je consacrerai des épisodes à part entière.
Sonia va donc encourager, par tous les moyens, Raskolnikov à avouer ses crimes à Porphyre Petrovitch, le juge d'instruction. Et par sa bienveillance, par son amour, en voulant le ramener dans le monde des hommes, elle y parviendra. » (fin de la transcription, 21:37)
[1] « Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, né le 11 novembre 1821 à Moscou et mort le 9 février 1881 à Saint-Pétersbourg, est un écrivain russe.
Après une enfance difficile, il est élève d'une école d'officiers et se lie avec le mouvement progressiste de Saint-Pétersbourg. Arrêté en avril 1849, il est condamné à mort, mais, après un simulacre d'exécution, est finalement déporté dans un bagne situé à Omsk (extrême-ouest de la Sibérie) où il passe quatre ans. Redevenu sous-lieutenant, il démissionne en 1859 et s'engage complètement dans l'écriture. Épileptique, joueur couvert de dettes et d'un caractère sombre, Dostoïevski fuit ses créanciers et mène en Europe une vie d'errance au cours de laquelle il abandonne toutes ses convictions socialistes et progressistes, devenant un partisan convaincu de l'Empire russe et de la religion orthodoxe. À l'opposé de ses contemporains Léon Tolstoï, Ivan Tourgueniev et Ivan Gontcharov, l'activité d'écriture de Dostoïevski fut semée de difficultés matérielles constantes. Il trouve durant les dix dernières années de sa vie une stabilité matérielle et une reconnaissance dans tout le pays.
Écrivain admiré à la suite de la publication de Crime et Châtiment (1866) et de L'Idiot (1869), il publie ensuite ses deux œuvres les plus abouties : Les Démons (1871) et Les Frères Karamazov (1880). Ses œuvres ne sont pas des romans à thèse, mais plutôt des œuvres polyphoniques où s'opposent idées et points de vue multiples, à travers des personnages qui se construisent eux-mêmes, au travers de leurs actes et de leurs interactions sociales.
Les romans de Dostoïevski sont parfois qualifiés de « métaphysiques » : les questions du libre arbitre, de l'existence de Dieu, ou la figure du Christ sont au cœur de sa réflexion angoissée. Au travers d'une variété de thèmes relatifs à la nature, à la religion, Dostoïevski s'attache à la description de l'homme et de sa condition dans l'atmosphère sociale et politique de la Russie du XIXe siècle.
Considéré aux côtés de Léon Tolstoï comme un des plus grands romanciers russes, il a influencé de nombreux écrivains (Albert Camus, André Gide, André Malraux ; les russes Alexandre Soljenitsyne, Anton Tchekhov ou encore Mikhaïl Boulgakov) et philosophes (Friedrich Nietzsche et Jean-Paul Sartre), ainsi que l'émergence de l'existentialisme et du freudisme. Ses livres ont été traduits dans plus de 170 langues et presque tous sont l'objet d'adaptations cinématographiques. » (Wikipédia)
[2] « Crime et Châtiment est un roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski publié en feuilleton en 1866 et en édition séparée en 1867. Archétype du roman psychologique, il est considéré comme l'une des plus grandes œuvres littéraires de l'Histoire.
Le roman dépeint l'assassinat d’une vieille prêteuse sur gage et de sa sœur par Rodion Raskolnikov, ancien étudiant de Saint-Pétersbourg tombé dans la pauvreté et l'exclusion sociale avec une analyse minutieuse de l'évolution de l'état émotionnel, mental, physique et socio-économique du meurtrier ainsi que des causes et des conséquences du crime. » (Wikipédia)
Crime et Châtiment
Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski
Traduit par Victor Derély, 2 tomes, Plon, 1884.
(Wikisource)
ARTE | Crime et châtiment de Fiodor Dostoïevski | ARTE Book Club | ARTE (20:16)
(2 août 2023)
0:00 Introduction
1:30 Résumé du livre : Crime et châtiment
2:37 Une peinture de St Pétersbourg
6:07 Un pamphlet nihiliste
9:10 Un engagement personnel
11:57 Une inspiration shakespearienne
15:12 Lecture d’un extrait
18:05 ConclusionCrime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski, c’est une enquête policière pleine de suspense et de tension, de personnages denses, de scènes incroyablement marquantes, un trop-plein d’existence, un mélange étonnant de grotesque et de beauté. Un roman monstre qui sera toujours plus que ce qu’on pourra en dire.
[3] « Les Frères Karamazov est le dernier roman de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski.
Publié sous forme de feuilleton dans Le Messager russe de janvier 1879 à novembre 1880 (la première édition séparée date de 1880), le roman connut un très grand succès public dès sa parution.
Le roman explore des thèmes philosophiques et existentiels tels que Dieu, le libre arbitre ou la moralité. Il s'agit d'un drame spirituel où s'affrontent différentes visions morales concernant la foi, le doute, la raison et la Russie moderne. » (Wikipédia)
Les Frères Karamazov (1923)
Fédor Dostoïevski
Traduction par Henri Mongault.
2 tomes
NRF, 1935.
(Wikisource)
[4] École normale supérieure - PSL | « Si Dieu n’existe pas, tout est-il permis ? » - Paul Clavier | ENS-PSL (55:12)
(14 mars 2016)
Fiodor Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n'existait pas, tout serait permis ». Qu'a-t-il voulu dire ? A-t-il raison ? Dans une conférence passionnante, Paul Clavier, normalien, agrégé et docteur en philosophie s'interroge sur la question. Question provocatrice ou boutade théologico-morale qui explicite une forme de chantage entre Dieu ou le chaos moral, découvrez comment Paul Clavier envisage ce qui doit être discuté « comme un biconditionnel (si et seulement si) à valeur causale et fondationnelle ».
00:00 ► Introduction
03:42 ► Version épistémique du conditionnel
05:40 ► Réfutation par l'athéisme vertueux ?
07:19 ► Réfutation par le libertinage théiste « accomodant » ?
08:16 ► « Si Dieu n'existe pas, tout est-il permis ? » : Deux fois deux réponses
11:55 ► Réponse 1 : « Oui Dieu n'existe pas donc détendez-vous »
14:30 ► Réponse 2 : « Dieu existe, mais s'il n'existait pas.... »
18:36 ► Réponse 3 : « Non, même si Dieu n'existait pas, la morale serait sauve »
19:37 ► Réponse 4 : « Non, Dieu meurt, la morale demeure »
20:37 ► Une simple implication matérielle ?
21:50 ► Une relation biconditionnelle, causale et fondationnelle
23:25 ► une solution triviale, trois problèmes cruciaux
26:35 ► Le cahier des charges de « tout n'est pas permis »
30:55 ► Discussion de la solution
[ANNEXES]
[Livre] Crime et châtiment
Fédor Dostoïevski
Le Livre de Poche
Édition de Jean-Louis Backès
Traduction d'Élisabeth Guertik
[Article, Revue Esprit] Juger et punir chez Dostoïevski
Georges Nivat
août/sept. 2007
[Article, AgoraVox TV] Dostoïevski : quand la haine de soi devient "un plaisir amer et désespéré" qui vous enferme au sous-sol
Connaissez-vous les Carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski ? En quoi ce texte est-il porteur d'une théorie du désir ? Pourquoi le plaisir et la souffrance sont-ils liés ? Pourquoi l'amour et la haine de soi sont-ils incompatibles ? (Kosmos)
[Podcast] Série « Philosopher avec Dostoïevski » (sept. 2011)
Épisode 2/4 : Crime et Châtiment
[disponible aussi sur YouTube, Rien ne veut rien dire ]
Adèle Van Reeth s'entretient avec Jean-Louis Backès de "Crime et Châtiment" (1866-1867) de Dostoïevski.
Avec Jean-Louis Backès, professeur de Littérature comparée à l'Université de Paris IV ; spécialiste de littérature russe ; romancierEst-il normal, souhaitable et moralement justifiable d’estourbir la vieille usurière Aliona Ivanovna ? Telle est l’idée à laquelle aboutit Raskolnikov. A partir de Crime et châtiment, Jean-Louis Backès, professeur de Littérature comparée à l'Université de Paris IV et spécialiste de littérature russe, propose une réflexion sur l’acte gratuit, la justice et la folie chez Dostoïevski.
Kosmos | LE ROMAN D'UNE VIE - DOSTOÏEVSKI (51:45)
(1 mai 2023)
Qui était vraiment Fiodor Dostoïevski ? Pourquoi a-t-il failli mourir devant un peloton d'exécution à l'âge de 28 ans ? Etait-il un révolutionnaire... ou au contraire un conservateur ? Comment est-il devenu le maître du roman psychologique ? Comment a-t-il sombré dans la dépendance au jeu ? Pourquoi a-t-il brûlé certains de ses manuscrits ? Quel était son caractère ? Et son rapport avec les femmes ? Bref... était-il un monstre ou un génie ? voire les deux à la fois ?
[Livre] Crime et châtiment tomes 1 & 2
Fédor DOSTOÏEVSKI
Babel
Traduit par André MARKOWICZ
[Liens]
La Quête du Sens [YouTube] & [Linktree]
Kosmos [YouTube]
Valyria Tanit [AgoraVox TV] & [X]
Tags : Livres - Littérature Religions Justice Spiritualité Philosophie Culture Russie
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