@Conférençovore
« Sinon,
oui, la colonisation a eu des aspects positifs dont jouit encore l’Algérie
d’aujourd’hui, c’est une réalité »
------> Quelle
réalité ? On revient à ma métaphore du violeur qui explique que ses kidnappings
ont eu un effet positif et qui décréterait que c’est LA réalité mais bizarrement
quand on pose la question aux jeunes filles, elles ne sont pas de cet avis. La
réalité de l’agresseur et du dominant n’est pas celle de l’agressé et du
dominé.
Le fait est
qu’il n’existe pas de critères objectifs à l’évaluation d’une domination, ils
ne peuvent qu’être subjectifs. Le choix même du critère du « développement »
est déjà une question de subjectivité ( celle du dominant). Comme il n’existe
pas de critères objectifs à l’évaluation d’une domination, j’estime que c’est à
celui qui la subit de l’évaluer. Et il me semble que les algériens ( comme tous
les peuples colonisés par la France et d’autres ) ont fait le choix politique de se battre contre
la colonisation et c’est parce qu’ils l’ont estimé néfaste. C’est tout ce qui
compte. A partir de là, ce débat n’a plus lieu d’être.
Ça me fait
penser à ce qui se passe actuellement en Amazonie où l’Etat brésilien essaie d’intégrer
de force des peuples autochtones à la société brésilienne en estimant que cela leur
serait bénéfique ( bien que les motivations profondes soient ailleurs, dans l’extraction
des ressources). Mais ces peuples ne veulent pas et se battent pour continuer à
vivre comme ils l’ont toujours fait. Ils n’en ont rien à foutre des
infrastructures, des progrès médicaux et autres, ils souhaitent simplement persister
dans leur être et vivre selon leurs valeurs et ne considèrent pas ce qu’on
nomme avec condescendance « le développement » comme un objectif à
atteindre. Et les descendants de ces peuples en voudront à mort à l’Etat
brésilien s’il les « civilise » de force et c’est tout à fait normal.
« Ce
qui est grotesque c’est, en 2019, de continuer d’essayer de culpabiliser les
Français dans leur ensemble alors que l’écrasante majorité n’a rigoureusement
aucun lien avec cette histoire »
------> Ce
qui est marrant aussi c’est que lorsqu’il s’agit de colonisation, il ne faut
pas culpabiliser les Français dans leur ensemble mais lorsqu’il s’agit d’immigration
ou de terrorisme, ceux qui sont contre la généralisation s’y adonnent allègrement
en parlant des immigrés et des musulmans en général et en tournant en dérision ceux
qui ne veulent pas faire d’amalgame. C’est à géométrie variable cette histoire d’amalgame.
Soit.
Le point est
le suivant : tu découvres aujourd’hui qu’il y’a un prix à payer à la
domination ? Bah oui, le prix à payer, c’est la haine. Depuis au moins la
révolution néolithique, les Etats qui ont constitué des empires ont été haï par ceux
qu’ils ont dominé. Ce n’est pas quelque chose qui date d’aujourd’hui. On
retrouve dans l’antiquité des textes qui expriment une haine profonde des
romains aux quatre coins de l’empire, il y’a un livre très intéressant à ce
sujet qui montre que l’idéalisme autour de l’empire romain n’a émergé que très
tardivement après son effondrement. Les Daces pour ne prendre cet exemple ne se
sont pas dit « Oh c’est super, les romains nous ont construit les
routes et les aqueducs
», ils détestaient les romains du plus
profonde de leur être et avaient fait de ceux tombés au combat en leur
résistant des martyrs.
Aujourd’hui
encore, des peuples d’Asie en veulent énormément aux japonais et il y’a
énormément d’incidents diplomatiques à cause de la repentance vis-à-vis des l’impérialisme
nippon du début du siècle passé. Les chinois eux-mêmes ont vécu la domination
occidentale comme quelque chose qui les a profondément marqués et les élites
chinoises sont toujours revanchardes.
On retrouve
d’innombrables exemples historiques à toutes les époques. C’est simplement humain. Ça ne veut pas dire qu’il faut se repentir
éternellement encore une fois, moi je suis contre, ce qui est fait est fait et
on ne peut pas revenir en arrière. Mais ce n’est quand même pas compliqué de
comprendre que les anciens colonisés aient de la haine envers les anciens
colonisateurs, surtout si ces derniers exercent encore une domination sous d’autres
formes.